e-Quid 06_Doigt pelvien : une lésion rare
K Bouzaïdi
1
, A Daghfous
2
, H Chahbani
1
, M Bouassida
3
, F Jabnoun
1
, L Rezgui Marhoul
2
1- Service de radiologie – Hôpital MT Maamouri – Nabeul 8000– Tunisie
2- Service de radiologie – Centre de traumatologie – Tunis – Tunisie
3- Service de chirurgie – Hôpital MT Maamouri – Nabeul 8000– Tunisie
Correspondance : K. Bouzaïdi
E-mail :
khaled_bouzaidi@yahoo.fr
Observation
Un homme de 50 ans présentant des antécédents de cancer du rein a été adressé à notre service pour l’évaluation d’une douleur lombaire gauche et hypogastrique récurrente après une néphrectomie. À l’examen, aucune masse palpable n’a été mise en évidence. Les analyses biologiques étaient dans les limites normales. Une radiographie sans préparation du bassin
(Fig. 1
)
et une tomodensitométrie
(Fig. 2)
ont été réalisées
Fig. 1
Figure 1- Radiographie sans préparation du bassin.
Fig. 2
Figure 2- Images transverses (a) et sagittales (b) par TDM du bassin.
Après observation, quel pourrait être votre diagnostic parmi les propositions suivantes :
• Ostéochondrome ;
• Doigt pelvien ;
• Myosite ossifiante ;
• Maladie de Fong (ostéo-onychodysplasie héréditaire).
•
Fracture par avulsion de l’épine iliaque antéro-supérieure.
Diagnostic
Doigt pelvien.
Résultats
La radiographie sans préparation du bassin montre la présence d’une protubérance osseuse en forme de doigt de plusieurs centimètres de longueur, émergeant de l’aile iliaque gauche, et s’étendant en direction inférieure et latérale
(Fig. 3)
.
Fig. 3
Figure 3 - Radiographie oblique centrée du bassin montrant la structure osseuse en forme de doigt s’articulant avec l’angle antéro-supérieur de l’aile iliaque gauche et s’étendant en direction inférieure et latérale vers la paroi abdominale.
La tomodensitométrie confirme les résultats de la radiographie. Elle montre une structure osseuse présentant une différenciation cortico-médullaire nette, située en position antérieure par rapport à l’aile iliaque gauche et s’étendant en direction inférieure et latérale vers la paroi abdominale. Elle est composée d’une pseudoarticulation au site d’origine dans le bassin
(Fig. 4)
et de trois pseudoarticulations dans le corps de l’ossification
(Fig. 5)
. Cet aspect évoque un doigt pelvien.
Fig. 4
Figure 4 - Images transverses (a), sagittales (b) et courbes (c) (fenêtre osseuse) par TDM montrant le doigt pelvien, avec une corticale bien différenciée, s’articulant avec l’aile iliaque gauche et s’étendant en direction inférieure.
Fig. 5
Figure 5 - Tomodensitométrie volumique en 3D montrant le doigt pelvien avec quatre segments osseux et trois pseudo-articulations.
Discussion
Le doigt pelvien est une anomalie anatomique rare caractérisée par le développement d’une structure osseuse dans les tissus mous adjacents au squelette normal (1). Son origine est encore inconnue, mais la théorie suggère que l’anomalie apparaîtrait au stade mésenchymateux de la croissance osseuse au cours des six premières semaines de l’embryogenèse (2). Normalement, le noyau cartilagineux costal indépendant de la première vertèbre coccygienne fusionne avec la colonne vertébrale. Si la fusion n’a pas lieu, le centre cartilagineux peut se développer de manière indépendante, formant une « côte » rudimentaire.
Depuis le premier cas de doigt pelvien décrit par Sullivan et Cornwell en 1974 (3), seuls quelques cas isolés et des séries de cas ont été rapportés. Cette anomalie osseuse congénitale rare peut survenir à n’importe quel niveau des os pelviens, et peut même être localisée entièrement à l’intérieur des tissus mous de la paroi abdominale (2, 4). Occasionnellement, l’anomalie peut être bilatérale ou multiple (5, 6). Elle est généralement asymptomatique et découverte seulement fortuitement (7). Elle peut parfois être une source de douleur, d’incapacité ou d’altération fonctionnelle à cause de sa proximité avec l’articulation (1). Dans ce type de cas, une excision chirurgicale peut être nécessaire. À notre connaissance, il n’existe que cinq cas rapportés de doigt pelvien symptomatique (1, 8). Dans la présente observation, la douleur lombaire est probablement indépendante du doigt pelvien qui a constitué une découverte fortuite.
Généralement, son aspect est celui d’une côte ou d’une phalange avec une ou plusieurs articulations ou pseudo-articulations internes, comme dans le cas présent (6). L’anomalie présente souvent une pseudo-articulation avec le squelette axial à sa base.
La tomodensitométrie volumique tridimensionnelle montre une structure osseuse présentant une corticale et une moelle clairement individualisées. Il s’agit de l’outil diagnostique le plus intéressant par sa capacité à faciliter un diagnostic précis, à déterminer le nombre exact de segments osseux et de (pseudo-) articulations, à permettre des mesures exactes de sa longueur et à fournir une localisation tridimensionnelle plus précise. En outre, elle permet au clinicien d’évaluer la relation anatomique du doigt pelvien avec les articulations et les tissus mous avoisinants, qui peut expliquer les signes cliniques des cas symptomatiques. La tomodensitométrie est également utile dans les cas équivoques, car elle permet d’établir un diagnostic différentiel qui doit inclure d’autres formations osseuses hétérotopiques et des tumeurs osseuses (2). L’absence de coiffe cartilagineuse distingue le doigt pelvien d’un ostéochondrome. La corticale bien différenciée en l’absence de traumatisme permet la différenciation entre une myosite ossifiante post-traumatique, une calcification ligamentaire et des fracture-avulsions du bassin. La maladie de Fong est caractérisée par des cornes iliaques, généralement bilatérales, émergeant postérieurement et centralement des iliums.
Il est important de reconnaître le doigt pelvien, une entité bénigne, afin d’éviter des investigations supplémentaires inutiles. Les radiographies sans préparation et la tomodensitométrie facilitent le diagnostic de cette entité rare. L’exérèse chirurgicale est indiquée uniquement en présence de symptômes, notamment une limitation du mouvement ou une douleur au niveau des hanches incapacitant le patient.
Déclaration de conflit d’intérêts
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts concernant cet article.
Références
1- Evangelista P, Evangelista G. Dyspareunia associated with a pelvic digit. J Surg Case Rep 2011;12:7.
2- Van Breuseghem I. The pelvic digit: a harmless "eleventh" finger. Br J Radiol 2006;79:e106-107.
3- Sullivan D, Cornwell WS. Pelvic rib: report of a case. Radiology 1974;110:355-357.
4- Nguyen VD, Matthes JD, Wunderlich CC. The pelvic digit: CT correlation and review of the literature. Comput Med Imaging Graph 1990;14:127-131.
5- Rijal L, Nepal P. Multiple pelvic digits: a rare congenital anomaly. Eur J Orthop Surg Traumatol 2010;20:411-413.
6- McGlone BS, Hamilton S, FitzGerald MJ. Pelvic digit: an uncommon developmental anomaly. Eur Radiol 2000;10:89-91.
7- Granieri GF, Bacarini L. The pelvic digit: five new examples of an unusual anomaly. Skeletal Radiol 1996;25:723-726.
8- Moreta-Suarez J, Saez de Ugarte-Sobron O, Sanchez-Sobrino A, Martinez-De Los Mozos JL. The pelvic digit: a rare congenital anomaly as a cause of hip pain. J Orthop Case Rep 2012:2:19-22.