Commentaires :
Cet homme est suivi pour une microlithiase alvéolaire dont le diagnostic avait été évoqué sur les données d’imagerie et confirmé par des biopsies trans-bronchiques retrouvant des calcosphérites ou microlithes, au sein des alvéoles pulmonaires.
Dans notre cas, la prédominance supérieure de l’atteinte micronodulaire est un élément d’atypie.
Discussion :
Les causes de micronodules calcifiés dispersés au sein des poumons peuvent être infectieuses, métastatiques, secondaires à une hémorragie ou à l’inhalation de poussières minérales (pneumoconioses), ou bien d’origine inconnue comme la microlithiase alvéolaire.
La microlithiase alvéolaire est une maladie très rare se caractérisant par l’accumulation progressive de concrétions phospho-calciques (microlithes d’hydroxy-apatite de calcium) au sein des espaces alvéolaires pulmonaires. Ces microlithes mesurent entre 250 et 750 µm de diamètre (1, 2).
La prévalence est inconnue mais cette affection semble être plus fréquente dans les pays du pourtour méditerranéen (Turquie, Italie) et en Asie (Chine, Japon, Inde).
Le caractère familial est retrouvé dans 50% des cas suggérant une hérédité autosomique récessive (1).
La physiopathologie demeure encore mystérieuse mais a été identifié chez des sujets japonais la mutation perte de fonction du gène SLC34A2 codant pour un co-transporteur sodium/phosphate exprimé par les pneumocytes de type II (3), renforçant ainsi l’hypothèse d’une anomalie congénitale du métabolisme phospho-calcique confinée aux poumons.
Asymptomatique pendant de nombreuses années et classiquement découverte fortuitement sur une radiographie thoracique, la maladie évolue lentement et inéluctablement vers l’insuffisance respiratoire chronique. Elle se caractérise par un trouble ventilatoire restrictif, une diminution de la capacité de diffusion alvéolo-capillaire de l’oxygène et un cœur pulmonaire chronique.
La sémiologie radiologique est pathognomonique et permet d’évoquer aisément le diagnostic.
La radiographie thoracique montre une milliaire fine et diffuse, de densité calcique (aspect en « tempête de sable »), prédominant dans les régions basales avec tendance à la confluence sous pleurale donnant un aspect de pseudo-épaississement de la plèvre périphérique et scissurale.
Le scanner thoracique haute résolution permet de mieux apprécier la distribution de ces micronodules le long de la plèvre, des axes broncho-vasculaires et à la périphérie des lobules faisant croire à tort à un épaississement calcifié des septa interlobulaires. Une bande microkystique immédiatement sous-pleurale et des zones d’opacités en verre dépoli sont classiquement retrouvées (4).
Le diagnostic peut être confirmé par la biopsie trans-bronchique, le liquide de lavage broncho-alvéolaire retrouvant inconstamment les microlithes.
Les EFR et le scanner thoracique permettent le suivi évolutif des patients.
Le traitement est symptomatique avec notamment des lavages bronchiolo-alvéolaires thérapeutiques. La transplantation pulmonaire est proposée dans les stades ultimes et les quelques cas publiés dans la littérature ont montrés des résultats positifs sans récidive de la maladie (5).
Concernant les autres causes de micronodules pulmonaires calcifiés (6, 7, 8, 9).
L’une des causes les plus fréquentes de nodules calcifiés épars des poumons correspond aux séquelles post infectieuses et en particulier la varicelle. Les nodules calcifiés ont des contours nets et réguliers et ne dépassent généralement pas 5mm de diamètre. En cas d’association à des ganglions médiastino-hilaires calcifiés, il faudra alors évoquer les séquelles d’une milliaire tuberculeuse ou d’une histoplasmose.
Les calcifications dites « métastatiques » (ou calcinose pulmonaire) (10) correspondent à des dépôts de sels de calcium au sein des parois alvéolaires secondaires à un déséquilibre de l’homéostasie phospho-calcique d’origine bénigne (hyperparathyroïdisme, insuffisance rénale chronique, sarcoïdose) ou maligne (myélome, métastases osseuses). Elles se manifestent par des micronodules/nodules d’allure centrolobulaire calcifiés mal limités, voire des plages de condensations denses et calcifiées sur fond de verre dépoli lobulaires. Ces lésions prédominent dans les régions supérieures où le pH sanguin plus alcalin participe à leur formation. Les calcifications métastatiques se déposent sur du tissus pulmonaire sain, par opposition aux calcifications dites « dystrophiques » survenant sur un poumon malade.
L’hémosidérose pulmonaire (11, 12) est une affection responsable d’hémorragie alvéolaire à répétition. Elle peut être idiopathique ou secondaire à un trouble de la crase sanguine ou à un rétrécissement mitral. A la phase chronique on objective des micronodules diffus denses voire calcifiés centrolobulaires, correspondant à la réaction granulomateuse secondaire à l’accumulation d’hémosidérine intra-macrophagique alvéolaire. A cela peut s’y associer des signes de fibroses avec parfois des masses périhilaire pseudo-silicotiques, de densité élevée en raison des dépôts de fer.
Au cours des pneumoconioses (13) telles que la silicose et la pneumoconiose des mineurs de charbon, les micronodules calcifiés prédominent dans les régions supérieures et postérieures, et s’associent à des ganglions calcifiés et des masses de fibrose rétractile circonscrites par de l’emphysème paracicatriciel. La stannose (inhalation d’oxyde d’étain), la barytose (inhalation de particules de sulfate de baryum) ou encore la pneumoconiose à l’antimoine sont des causes très rares pouvant donner lieu à des micronodules calcifiés diffus des poumons.
L’injection intraveineuse de mercure peut être responsables d’une syndrome micronodulaire très dense, tout comme l’utilisation du talc comme lubrifiant pour l’injection intraveineuse de médicaments normalement absorbés par voie orale (méthadone), observée chez les usagers de drogues (talcose intraveineuse) (14).
Par ailleurs, des opacités hyperdenses linéaires branchées de systématisation vasculaire segmentaire ou sous segmentaire doivent faire évoquer une embolie de ciment acrylique (après une vertébroplastie ou un scellement de prothèse articulaire) ou une embolie de lipiodol (après chimio-embolisation).
Enfin, de petites opacités linéaires calcifiés de forme dendritique ou réticulée des régions basales sont caractéristiques des ossifications pulmonaires idiopathiques. Concernant les connectivites, des calcifications sont rapportées dans la sclérodermie.
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Arguments pour
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Arguments contre
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Présomption diagnostique
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Séquelles de pneumonie varicelleuse
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- Syndrome micronodulaire
de densité calcique
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- Profusion des micronodules et leur
distribution
- Opacité diffuse en verre
dépoli
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Nulle
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Silicose
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- Syndrome micronodulaire
de densité calcique
- Prédominance dans les
régions supérieures et postérieures
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- Anamnèse : absence
d’exposition connue
- Absence de masse de
fibrose
- Absence d’adénomégalie
médiastino-hilaire calcifiées
- Absence de lésions
d’emphysèmes
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Faible
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Hémosidérose pulmonaire
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- Syndrome micronodulaire
de densité calcique
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- Absence d’antécédent
d’hémoptysie
- Absence de masse de
fibrose
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Nulle
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Microlithiase alvéolaire
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- Milliaire de densité
calcique
- Distribution
préférentielle sous pleurale et péribronchovasculaire
- Bande microkystique sous
pleurale
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- Prédominance supérieure
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Forte
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Ossification pulmonaire idiopathique
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- Aucun
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- Absence de clacifications
dendritiques des régions basales
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Nulle
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Bibliothérapie
(1) Castellana G, Castellana G, Gentile M, Castellana R, Resta O. Pulmonary alveolar microlithiasis: review of the 1022 cases reported worldwide. Eur Respir Rev. 2015 Dec;24(138):607-20.
(2) Barnard NJ, Crocker PR, Blaney AD et al. Pulmonary alveolar microlithiasis. A new analytical approach. Histopathology, 1987, 11 : 639 – 645
(3) Huqun, Izumi Set al. Mutations in the SLC34A2 gene are associated with pulmonary alveolar microlithiasis. Am J Respir Crit Care Med. 2007 Feb 1;175(3):263-8.
(4) Deniz O et al. High resolution computed tomographic features of pulmonary alveolar microlithiasis. Eur J Radiol, 2005, 55 : 452-460
(5) Samano MN et al. Lung transplantation for pulmonary alveolar microlithiasis: a case report. Clinics (Sao Paulo). 2010 Feb; 65(2):233-6.
(6) Dépots calciques pulmonaires : amis ou ennemis. Constance de Margerie-Mellon, Pierre-Yves Brillet, Cédric de Bazelaire, Michel Brauner, Emmanuelle Cauderlier, Marine Devaux-Bricout, Eric de Kerviler. Poster JFR 2015
(7) Sémiologie tomodensitométrique. In : Imagerie Thoracique de l’Adulte. Grenier P. Lavoisier Médecine, 4ème Editions, Paris 2018, pp 160-236
(8) Chai, J. L. et al. CT of the lung: patterns of calcification and other high-attenuation abnormalities. AJR Am. J. Roentgenol. 162, 1063–1066 (1994).
(9) Khan, A. N. et al. The calcified lung nodule: What does it mean? Ann. Thorac. Med. 5, 67–79 (2010).
(10) Belém, L. C. et al. Metastatic pulmonary calcification: state-of-the-art review focused on imaging findings. Respir. Med. 108, 668–676 (2014).
(11) Agrawal, G et al. Miliary nodules due to secondary pulmonary hemosiderosis in rheumatic heart disease. World J. Radiol. 3, 51–54 (2011).
(12) Khorashadi Let al. Idiopathic pulmonary haemosiderosis: spectrum of thoracic imaging findings in the adult patient. Clin Radiol 70, 459–465 (2015).
(13) Chong, S. et al. Pneumoconiosis: comparison of imaging and pathologic findings. Radiogr. Rev. Publ. Radiol. Soc. N. Am. Inc 26, 59–77 (2006).
(14) Rossi, S. E et al. Pulmonary Drug Toxicity: Radiologic and Pathologic Manifestations. RadioGraphics 20, 1245–1259 (2000).